LA FABRICATION DU PAIN

Tous les jours et depuis des siècles, le boulanger met dans son pétrin quatre ingrédients: farine, eau, sel, levure ou levain… 

Son savoir-faire s’est accoutumé des modes, de l’Histoire vécue (pain noir pendant les guerres) et il continue de s’adapter. Aujourd’hui, la demande qualitative est forte. Et le boulanger est là pour subvenir aux besoins du XXIe siècle !

LES INGRÉDIENTS DU PAIN

Pour 100 kg de farine, les proportions sont de 62 litres d’eau, 2 kg de levure et un peu moins de 2 kg de sel. Ces proportions peuvent varier selon le pain recherché : le pain de tradition, par exemple, est souvent plus hydraté (entre 65 et 70 litres d’eau pour 100 kilos de farine).

• La farine est l’élément de base. D’abord parce que mélanger de la farine avec de l’eau permet de former une pâte.Ensuite, parce que les qualités de la farine, ses caractéristiques et ses propriétés ont une influence directe sur le pain. Elle lui donne son goût, sa couleur et sa consistance. Elle détermine la nature de la mie et de la croûte. Le boulanger utilise la farine de son meunier, pure ou en faisant ses propres mélanges. Il peut parfois aussi utiliser des mélanges tout prêts soigneusement élaborés par le meunier, appelés “mixes”, et destinés à fabriquer un pain spécifique (pain aux céréales…). De blé ou de seigle, pure ou en mélange, bise ou blanche, le boulanger choisit une farine différente pour chaque type de pain.

• En humidifiant les particules d’amidon et de gluten, l’eau permet la formation d’un tissu glutineux élastique qui relie entre eux tous les autres composants de la farine. Sans elle, la pâte ne pourrait pas retenir le gaz carbonique au cours de la fermentation. L’eau joue donc un rôle majeur dans la qualité plastique de la pâte. Elle permet en outre de dissoudre le sel.

• Le sel joue un rôle très important dans la “chimie du pain”.Il augmente la ténacité de la pâte ; incorporé en début de pétrissage, il freine l’oxydation et donc la perte de goût. Il contribue au bon goût du pain, développe la couleur de sa croûte et influence sa conservation.

• La levure de boulanger est un champignon microscopique d’origine naturelle : sacchaomyces cerevisiae. Un gramme de levure fraîche se compose de 9 à 10 milliards de cellules. La levure peut vivre avec ou sans air et sa nourriture préférée est un sucre simple, le glucose. Cet agent biologique permet à la pâte de lever en transformant les sucres en gaz carboniques et en alcools qui s’évaporent à la cuisson. Sans levure, les pains seraient plats. Les conditions de conservation de la levure sont très importantes : stockée à température trop faible ou surtout trop élevée, elle perd son pouvoir de fermentation.

En France, le boulanger utilise de la levure fraîche. Il fabrique aussi parfois son propre levain. La fabrication du pain au levain est très contraignante, elle exige attention, temps et soins.

• Gluten, amylase fongique, acide ascorbique (vitamine C),levure désactivée… Ces noms aux consonances “barbares” sont pour la plupart d’origine naturelle. Ces “améliorants de panification”, autorisés à faire partie des ingrédients du pain, permettent, comme leur nom l’indique, d’améliorer la valeur technologique d’une farine si nécessaire. Leur ajout facultatif relève de l’expertise meunière ou boulangère ; il est lié aux besoins spécifiques des clients du meunier ou parfois, plus en amont, aux conséquences des aléas climatiques ou de stockage subis par le blé.

L’appellation générale d’“améliorant” comprend les adjuvants, les auxiliaires technologiques et les additifs.

• Les adjuvants sont des substances d’origine naturelle permettant de corriger, d’améliorer ou de faciliter la fabrication d’un produit(exemple : la farine de fèves).

• Un auxiliaire technologique est une substance qui sert à améliorer la fabrication d’une denrée alimentaire mais qui n’est pas retrouvée dans le produit fini car détruite pendant la fabrication (exemple : les enzymes dans la pâte à pain durant la cuisson).

• Les additifs se retrouvent dans le produit fini (exemple : lécithines). Leur autorisation est réglementée selon le type de produit fini considéré. Le pain courant français peut contenir jusqu’à quatorze additifs (l’acide ascorbique E 300, la lécithine de soja E 322, etc.). Aucun additif n’est autorisé pour le pain de tradition française.

LES HUIT ÉTAPES DE LA FABRICATION DU PAIN

Les artisans assurent l’ensemble du processus de fabrication du pain jusqu’à la vente au consommateur final. Chaque boulanger a son tour de main, mais les grandes étapes de la panification restent les mêmes.

1. Le pétrissage

Le boulanger mélange tous les ingrédients de la pâte. Le gluten contenu dans la farine fixe l’eau versée dans le pétrin. La pâte devient élastique et emprisonne l’air. Si le pétrin mécanique facilite cette étape décisive, le boulanger doit rester vigilant et surveiller précisément son déroulement. Différentes méthodes de pétrissage sont possibles. Le pétrissage à vitesse lente permet de fabriquer un pain peu développé, à la mie crème ; le pétrissage intensifié, plus long avec une vitesse de rotation plus grande, permet de fabriquer un pain très développé, à la croûte fine ; le pétrissage amélioré, compromis entre ces deux méthodes, dure de 10 à 15 mn. et est entrecoupé de périodes de repos de 2 à 3 mn. Pour que la pâte fermente dans de bonnes conditions, le boulanger doit veiller à obtenir une température finale de la pâte comprise entre 23 et 25° C ; si besoin, il refroidit l’eau.

2. Le pointage

Avant de diviser la pâte, le boulanger la laisse reposer dans le pétrin : cette fermentation dans une cuve, le pointage (aussi appelée piquage), est importante pour la formation des arômes du pain. La production de gaz carbonique commence. La pâte lève, ses qualités se renforcent, elle devient plus tendre, plus élastique. Pour le pain de tradition, cette étape est plus longue.

L’expérience du boulanger lui permet de décider quand la pâte est prête : chaque pâte réagit différemment, en fonction de paramètres qui varient chaque jour (humidité de l’air, etc.). Le boulanger touche la pâte du bout des doigts, et décide si le moment est venu de passer à l’étape suivante. Aucune machine, aussi sophistiquée soit-elle, ne peut remplacer sa main.

3. La pesée

Quand la pâte a fini de pointer, le boulanger la divise en pâtons pour donner à chacun le poids voulu. Il se sert pour cela d’une diviseuse, qui a le petit défaut de diminuer la souplesse de la pâte. Pour pallier cet inconvénient, le boulanger laisse encore un temps de repos à la pâte pour la détendre. Le poids des pains et la précision des balances font l’objet de contrôles systématiques et réguliers de la DGCCRF.

4. Le façonnage

À la main ou à l’aide d’une machine, le boulanger façonne ensuite chaque pâton, lui donnant la forme du pain qu’il veut obtenir. Ce geste savant s’appelle “la tourne”. Les pains façonnés sont déposés sur des supports en toile de lin appelés couches, ou sur des filets. Ils sont parfois placés dans des petits paniers garnis de toile, adaptés à leur forme (longs pour les baguettes, ronds pour les miches) : les bannetons ou panetons.

5. L’apprêt

L’apprêt est un autre temps de repos, une autre fermentation des pâtons une fois façonnés. Il permet à la levure de bien se nourrir des sucres contenus dans la pâte. Le gaz carbonique se dégage. Prisonnier du gluten, il fait gonfler la pâte qui le retient. Chaque pâton triple de volume. Le temps de l’apprêt dépend de la température, de la dose de levure, de la méthode de pétrissage, du temps de pointage et peut aller de une à quatre heures. Certains boulangers placent les pâtons dans des armoires de fermentation à température contrôlée, qui favorisent la maîtrise du développement du pain.

6. L’enfournement

Pendant ce temps, le four a chauffé. Sa température s’élève à 250° C. Avant d’y enfourner les pâtons, le boulanger l’humidifie en y injectant de la vapeur. Ainsi, le pain cuit sans se dessécher et la croûte se forme, fine et dorée. Avant de mettre le pain au four, le boulanger donne des coups de lame à la surface du pain. Ces “grignes” permettent au gaz carbonique de sortir de la pâte. Dans les fournils modernes, des tapis enfourneurs remplacent la pelle de bois à long manche pour déposer les pâtons dans le four.

7. La cuisson

Sa durée varie en fonction de la forme et du poids des pains à cuire : elle va de 12 minutes pour une ficelle à 50 minutes pour une boule de 1 kg. En début de cuisson, les pâtons continuent à gonfler. La mie se crée et cuit pendant que le pain prend sa forme définitive. La croûte durcit et prend sa couleur. Le boulanger surveille attentivement cette étape décisive.

8. Le défournement

Le pain est sorti du four avec précaution : tout chaud, il est très fragile. Le ressuage consiste à le laisser refroidir, le temps que la vapeur d’eau et le gaz carbonique qu’il contient s’en échappent. Pendant cette période, les pains doivent être gardés dans une pièce sèche et bien aérée. Ils sont ensuite placés dans des corbeilles pour être portés à la boutique.

LA FABRICATION DU PAIN EN VIDEO

LA BOULANGERIE, APPELLATION PROTÉGÉE

La profession de boulanger est réglementée : depuis le 25 mai 1998, l’usage exclusif de l’appellation de “boulanger” est réservée aux professionnels assurant la totalité de la fabrication du pain sur le lieu de vente. Il est important de souligner que c’est la Profession, souhaitant mettre en avant sa valeur ajoutée, qui est à l’origine de cette loi. Outre l’activité de vente, les employés de la boutique conseillent la clientèle en fonction de ses goûts et de la spécificité de chacun des produits. Les boulangeries font partie des circuits de diffusion de proximité bénéficiant des taux de fréquentation les plus élevés, tous secteurs confondus.

Elles reçoivent plus de 12 millions de clients par jour et sont les commerces de proximité préférés des Français ! Plus de 90 % des clients sont fidèles à leur boulangerie et ce taux est le plus important des différents types de points de vente de pain. Si les Français s’avouent prêts à payer plus cher le pain, leurs exigences sont également plus fortes. Ils privilégient le goût, d’où l’augmentation de la consommation des pains spéciaux. Le pain frais et chaud est également fort apprécié.

 Pour fournir au consommateur un repère clairement identifiable, simple et officiel comme peuvent l’être la carotte des buralistes ou la croix verte des pharmaciens, une nouvelle identité visuelle représente les boulangers depuis 2010. Il s’agit d’un “B”, comme “boulanger”, jaune et chaleureux, formé de deux pains avec chacun une grigne. Deux mentions lui sont accolées : l’appellation “boulanger”, précisée par la signature : “C’est un métier”.

Cette identité visuelle est la traduction de la loi n°98-405 du 25 mai 1998 du Code de la consommation qui détermine les conditions juridiques de l’exercice de la profession de boulanger : le commerce qui utilise l’identité visuelle “boulanger” est une boulangerie, au sens de la loi. Face à l’émergence d’acteurs non boulangers-pâtissiers, mais pouvant proposer à la vente des produits de boulangerie-pâtisserie, et par là même être assimilés aux yeux des consommateurs à des boulangers-pâtissiers, tous les boulangers sont invités à afficher ce signe de reconnaissance d’un métier réglementé, exercé dans le respect de la qualité et la recherche de l’innovation. Avant d’être un nom commun, être boulanger, c’est un métier. Qui ne s’improvise pas.

DANS LA BOULANGERIE, HYGIÈNE ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRES GARANTIES

Le travail du boulanger est très bien cadré.  Les boulangeries-pâtisseries (définies ci-dessus) sont soumises à de nombreuses réglementations, notamment à propos de l’hygiène et de la sécurité. Un nouveau “Paquet hygiène” a vu le jour en 2006. Il s’agit d’un ensemble de règlements européens (food law 178/2002, 852/2004, 853/2004) fixant les exigences relatives à l’hygiène des denrées alimentaires et animales. Il vise à harmoniser et à simplifier les dispositions en matière d’hygiène (caractère sûr et sain des denrées, protection de la santé du consommateur), et fait notamment référence au stockage, aux principes HACCP (système qui identifie, évalue et maîtrise les dangers significatifs au regard de la sécurité des aliments), et au guide des bonnes pratiques d’hygiène qui propose un ensemble de moyens adaptés aux structures artisanales (dont l’efficacité a été reconnue par les administrations de contrôle).

La sécurité alimentaire du pain est potentiellement menacée par quatre types de dangers : physiques (corps étrangers : éclats de bois, de verre…), chimiques (erreur de produit employé, présence de contaminants), allergiques et microbiologiques.

Pour éviter les contaminations, les employés d’une boulangerie respectent la règle des cinq “M”, qui sont autant de champs d’application de la vigilance :

• Main d’oeuvre (lavage des mains, les vêtements de travail sont propres et nettoyés le plus souvent possible, port d’un masque en cas de rhume…)
• Matériel (les plans de travail sont en bois dur, le matériel est propre et conforme)
• Méthodes de travail (maîtrise des températures pendant la fabrication, les produits de nettoyage sont stockés loin des produits alimentaires)
• Matières premières (la farine ne doit pas être stockée au sol)
• Milieu (locaux aérés, entretenus, propres, les néons sont protégés…)